dimanche 16 octobre 2011

Un coq dans le potager

Plaquage "cathédrale" de Sam Warburton
sur Vincent Clerc à la 18e minute
Avez-vous déjà vu une poule dans un jardin ? La volaille donne l'impression d'être née hier, d'être totalement perdue chaque fois qu'elle pose la patte là où, la seconde d'avant, elle n'avait jamais pensé la poser. Penser est à vrai dire au-delà de ses moyens. Ses pas sont improvisés, ses réactions aussi. Tout semble sujet à la découverte ou à l'expérimentation, et même la terre qu'elle foule a l'air d'être une énigme pour elle. Ca se lit dans ses yeux vides.

Le rouge est de sortie

Ce matin, sur la pelouse de l'Eden Park d'Auckland, la rencontre improbable d'un coq et d'un poireau a tourné à l'avantage du volatile à la crête aussi rouge que le carton sorti par l'arbitre francophone M. Rolland - dont les décisions sont critiquées en Nouvelle-Zélande - après un plaquage dangereux de Warburton à la 18'. Avec la blessure, un peu plus tôt, du pilier Adam Jones, la partie semblait dès lors pliée : le rugby est un gagne-terrain et amputer une équipe d'un élément simplifie au moins numériquement la vie des quinze assaillants ; les brèches n'ont pas à être créées, elles sont données à ceux qui portent le fichu ballon ovale.

Tout, bien sûr, ne se réduit pas aux mathématiques, mais l'avantage donné au coq français sur le poireau gallois devait être décisif. On imaginait déjà déferler les innombrables vagues bleues sur la défense adverse qui, à bout de souffle et de force, devait logiquement céder à un moment ou à un autre. Oui, mais voilà, c'était sans compter sur le XV hexagonal.


Aux antipodes du rugby

Faute d'être un expert en rugby, je ne suis pas à l'abri d'une erreur grossière d'analyse. Je ne saurais dire, par exemple, si les hommes de Marc Lièvremont étaient tendus au point de vouloir assurer l'essentiel ou s'ils ont simplement profité de l'expulsion de Warburton pour gérer le score avec une rigueur scientifique. Ils n'en ont pas donné l'air, bien au contraire. Et, à en juger par l'ambiance autour de moi, dans le bar, le sentiment était assez largement partagé.

Le rugby est un sport fondamentalement collectif même si l'on compte toujours sur l'exploit individuel d'un coéquipier pour faire la différence sur un crochet ou une passe. De collectif, il n'a surtout pas été question côté Bleu. A l'image du reste de la campagne néo-zélandaise, hachée et laborieuse, on a senti l'impuissance d'une équipe à peine soulagée par l'exclusion du capitaine gallois. A la limite, ce fait de match a eu l'effet inverse de l'angoisser davantage - ah, quand la peur de perdre prend le pas sur l'envie de gagner... Tout a été infiniment brouillon, sans génie, dans la bricole. Pourtant, là n'est pas le pire : le refus de jouer, le refus de porter le ballon à la main et de partir à l'assaut de la muraille rouge ; ça, c'est le pire. Or, la volonté de révolte est la seule chose qui doit vous animer lorsque l'imagination ou le talent vous a quitté.

Les Gallois, en face, ont tenté, couru, porté, soutenu, relayé, transpercé, réceptionné, plaqué, saigné d'un sang qui n'était pas toujours le leur. Ils ont démontré qu'ils connaissaient ce sport, le portent dans leurs gênes et le vivent dans la boue et dans les pubs. On ne demande pas aux Français d'écraser leurs adversaires, mais d'aller au combat, de ne pas y renoncer. Mais, sans mains, sans jambes, sans coeur...

Après 40 minutes de néant et 9 points marqués, le XV de France allait-il sortir de sa torpeur ? Non, le score n'évoluera plus en seconde période. Plus alarmant, le naufrage a été collectif. Le coq était perdu au milieu du jardin néo-zélandais et a tâtonné longuement. On craint la confrontation finale contre le maître des lieux.


Des Blacks et une bête noire

A l'autre bout du monde, la presse se réjouit de la victoire de la France et annonce une partie de rigolade. Il y a sans doute une part d'arrogance qui sera une source de motivation supplémentaire pour les Français - et, qui sait, de cohésion ? Il y a aussi l'envie inconsciente d'en découdre définitivement avec un XV maudit, qui réussi mal à la Nouvelle-Zélande en coupe du monde. Le coq est la bête noire des Blacks. Est-ce assez pour espérer quelque chose ? On semble loin, très loin de la victoire de 1999 et du respect de Jonah Lomu pour les courses "aériennes" de l'ultra-léger Philippe Bernat-Salles.

La une du Herald Sunday : "80 minutes et on rit"...
Tout est cependant possible tant que le match n'est pas joué. Et alors, qu'importe le résultat. Nous avons envie de fête, d'émotions, de ballons joués à la main et de flèches lancées dans le mur adverse. Nous avons envie de rugby, enfin. Il reste aux destinataires du message de l'entendre et de ne pas faire regretter la défaite des rugbymen du Pays de Galles.

2 commentaires:

  1. Moi aussi j'ai ressenti un pointe de déception pour les Gallois à la fin du match... Je maintiens qu'ils ont trop attendu pour tenter le drop... Mais ils avaient certainement une bonne raison - je n'y connais strictement rien au rugby !
    Pour le prochain match, j'espère sincèrement un réveil des français, mais il faudrait selon moi un véritable électrochoc... Et j'imagine que s'ils avaient dû se réveiller, ils l'auraient déjà fait depuis un moment...
    Mais l'idée de la coupe du monde de football 98 me reste en tête, avec les bleus, très critiqués pour leur jeu catastrophique en pool (ce n'était quand même pas aussi catastrophique que les rugbymen), qui avaient finalement trouvé une émulsion et un rythme incroyable...

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  2. Je serai le premier à fêter la prestation des Bleus s'ils se mettent à jouer au rugby dimanche. Mais le parallèle que tu proposes avec les hommes "à Mémé", en 1998, ne me vient pas forcément à l'esprit : l'équipe était très critiquée, mais les matchs de poule ont été bien négociés et, après avoir revu le quart contre l'Italie, je peux dire qu'on a mangé le match. En gros, jusqu'à la finale du 12 juillet, l'équipe de France avait joué avec ses atouts - en fermant un peu le jeu par moments, certes. "Joué". Pas comme nos rugbymen...

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