vendredi 6 avril 2012

La Coupe dévisse

Aujourd'hui, demain et dimanche ont lieu les quarts de finale de la Coupe Davis, seule compétition de tennis se jouant entre équipes nationales au plus haut niveau - qui a dit que le sport dont les origines remontent à Azincourt (1415) et Harry Gem (1858) était l'archétype du  sport individuel ? La France y fait régulièrement bonne figure et a toutes ses chances de décrocher un nouveau ticket pour les demi-finales avec la réception des joueurs de l'Oncle Sam.

Mickaël Llodra et Jo-Wilfried Tsonga

Un tel optimisme ne résulte pas seulement de la non-sélection audacieuse, par captain Courier, de l'ancien n° 1 mondial Andy Roddick, qui vient pourtant de marquer les esprits en sortant Federer du tournoi de Miami, ni du forfait de Mardy Fish - et moi qui pensais que le jour du poisson était le vendredi... Non, les ondes positives qui s'abattent sur ces rencontres étalées sur trois jours (2 matches en simples aujourd'hui, 1 double demain, 2 matches en simples dimanche - le vainqueur est celui qui remporte 3 matches) proviennent du choix de la surface imposée par les Français aux Américains.

S'il se jouait initialement sur le gazon (le nom originaire de la Fédération internationale de tennis n'a perdu son "de gazon" qu'en 1977), le tennis se pratique désormais sur une multiplicité de surfaces, les "lentes" et les "rapides" même si, de vous à moi, il y a ici chipotage. La terre battue entre dans la première catégorie. Elle handicape plutôt les bons serveurs, ceux qui concentrent leur jeu sur l'attaque par goût ou parce qu'ils sont trop lourds pour se déplacer et frapper la balle plus de 4 fois de suite. Or, dans le camp américain, le géant John Isner, qui sera sur qui repose finalement tout, compte parmi ceux-là - tellement géant d'ailleurs que certains songent, avec humour, à relever la hauteur du filet...


L'avantage procuré aux Mousquetaires français (c'est leur surnom) m'apparaît injuste car, une chose est de bénéficier de l'organisation d'un tour de Coupe Davis à domicile - même si, à Monte Carlo, nous ne sommes qu'à un trottoir de Monaco... -, une autre est de choisir la surface sur laquelle vous voulez manger tout cru vos adversaires. Ne serait-il pas plus équitable de laisser, en ce cas, la responsabilité de ce choix aux invités ? D'un côté le public qui vous pousse, de l'autre vos chaussures ; on est à égalité. Si Pierre de Coubertin était encore là, il approuverait certainement sans réserve - qu'on ne m'accuse pas de faire parler un mort !

L'idée n'est pas bête, mais le système trouvé par l'ITF ne le serait pas moins s'il n'avait un fort relent de loi du Talion - "oeil pour oeil, dent pour dent,... surface pour surface". Le Règlement de la Coupe Davis prévoit, en effet, deux scénarios : celui qui a le droit d'élire la surface de jeu est désigné par tirage au sort, sauf lorsque les deux équipes se sont déjà rencontrées par le passé ; dans cette hypothèse, l'équipe qui n'avait pas choisi la surface à l'époque gagne automatiquement le droit de choisir la surface. Or, les USA ont reçu et éliminé nos petits Français en 2008, en les amenant sur une surface rapide qui les avantageait alors et qu'ils avaient surtout choisie. "Bien fait pour eux", disent les gens de la Fédération française. Pas sûr, pourtant, que la solution soit compatible avec l'esprit du sport.

mercredi 4 avril 2012

La France rétrogradée

Le risque à se laisser bercer par le ronron de l'habitude est de penser l'état des choses comme éternellement acquis et, alors, de ne pas apercevoir à temps les changements qui vont chambouler le paysage quotidien. En France, on entend régulièrement les cris d'oiseaux de malheur, pestant contre le manque d'ambition des clubs de Ligue 1 pour mieux mettre en relief le risque de voir remis en cause notre précieux statut européen.

Qui que quoi comment ?

L'UEFA applique chaque année un système de calcul d'un coefficient visant à établir un classement officiel entre les compétiteurs (clubs ou nations) qui permet à la patronne du football européen d'organiser les futures éditions de ses compétitions. S'agissant de la Ligue des champions, l'article 2 du Règlement de l'UEFA Champions League 2011-2012 dispose ainsi que "les associations membres de l'UEFA peuvent inscrire un certain nombre de clubs à la compétition, selon leur position au classement par coefficient qui figure à l'annexe I a". Tout l'enjeu, pour l'UEFA et les associations nationales (fédérations), est donc de déterminer le nombre de places disponibles pour leurs clubs affiliés.


Voici une photographie, au 4 avril, de l'annexe I a du Règlement. Elle montre que la France occupe le 5e rang devant la Russie, l'Ukraine et la Roumanie. Ce classement lui offre deux privilèges : la qualification directe à la Ligue des Champions de la saison suivante pour le champion de France en titre (CH) ainsi que pour son dauphin (RU), privilège partagé avec la Russie (6e) ; le passage par un seul tour de qualification préliminaire pour le club qui termine 3e du championnat national (N3), à la différence du 3e du dernier championnat russe, qui a dû franchir, quant à lui, deux tours de qualification avant d'accéder à la prestigieuse compétition continentale.

La photographie fige un état mouvant, néanmoins, et elle ne montre pas que, derrière chaque rang, se cache le fameux coefficient. Or, l'annexe II du Règlement précise la méthode de calcul : il s'agit, en gros, d'une moyenne de points marqués par les clubs nationaux disputant la Champions League ou l'Europa League, la petite sœur, lors des 5 dernières saisons. Le barème est le suivant : 2 points pour une victoire, 1 pour un match nul, 0 pour la défaite.

Viva Portugal!

Oui, mais voilà, il y a belle lurette que les clubs français n'ont plus brillé sur la scène européenne, à l'exception de performances trop isolées pour contrebalancer cette tendance nette à l'élimination prématurée et - pire - au refus de combattre. La conséquence est arithmétiquement inévitable. Le constat est surtout cruel en Europa League : les entraîneurs des clubs français engagés dans cette compétition n'en ont jamais fait une priorité et ne s'en cachent pas ; ils préfèrent se concentrer sur les joutes nationales. Seulement, cette désertion offre aux championnats moins bien classés et plus ambitieux, l'opportunité de grignoter leur retard et c'est finalement le Portugal, dont les porte-drapeaux affichent un bilan comptable à faire pâlir les dirigeants du football français (Porto, Benfica, Braga ou le Sporting), qui va s'asseoir sur le siège de la France en vue de la saison prochaine, reléguant sur un strapontin assez inconfortable celui qui sera sacré en mai, 3e de notre Ligue 1.

La situation n'est pas encore alarmante, même si, à l'évidence, à multiplier ainsi les étapes pour rentrer dans la cour des grands, on ne se facilite pas la tâche. Il n'y a pas scandale, après tout, à se faire doubler par le football portugais qui, s'il n'est pas plus riche que le nôtre, sait très bien exploiter ses filières sud-américaines. Il faudra veiller cependant à se réveiller, à faire évoluer les mentalités, car la France est sur une pente dangereuse. On entend parfois que le football hexagonal est redevenu ce qu'il était, au début des années 90 ; et si nous commencions par éviter de nous tirer une balle dans le pied ?

mardi 3 avril 2012

Au revoir, à jamais

De manière générale, l'horizon de l'homme est assez peu lointain et celui du footeux est sans doute encore plus réduit. Au fond, c'est mieux pour lui car il s'épargne ainsi d'infinis questionnements sur le pourquoi du comment d'un monde qui ne tournerait pas assez rond à son goût. Il faut cependant éclairer sa lanterne, ce soir, au risque de le plonger, au choix, dans un état aigu de haine ou de désolation : toi, le téléspectateur à peine excité par la perspective de l'élimination marseillaise, ne perds pas une miette de cette rencontre parce que, ne le sais-tu pas, le moment est historique.

Marseille à Munich pour l'histoire

Marseille revient à Munich dix-neuf ans après sa victoire de légende contre Milan. Le clin d'oeil à l'histoire cesse là : c'était à une autre époque, en un autre stade, et l'Allianz Arena, sublime à défaut d'être parfaitement écologique, est bien la seule qui risque de briller dans les yeux des fans marseillais.

L'Allianz Arena de Munich, by night.
En fait, quand je dis "moment historique", je parle d'une autre histoire, de notre époque, moderne, fortement exposée à la logique marchande et économique, la puissance de la loi de l'offre et de la demande pouvant suffire à définir une direction nouvelle, pas toujours de manière très visible. En ce sens, ces virages sont "historiques". Nous y sommes en matière de droits de retransmission des rencontres de la Ligue des Champions. Car la confrontation de ce mardi, entre le Bayern et l'OM, est a priori la dernière du genre que l'on verra diffusée sur une chaîne gratuite.


Le supporter, vache à lait de l'UEFA

Pour celui ou celle qui ne le sait pas encore - dans quel monde vit-il/elle ? -, le groupe qatari Al Jazeera a fait une razzia sur les droits de retransmission, notamment, de la Champions League (communiqué de l'UEFA du 5 déc. 2011). La stratégie est simple : occuper, ou plutôt s'offrir le marché audiovisuel du football européen en mettant sur la table autant de valises de dollars que nécessaire pour éliminer la concurrence. Résultat : les droits, divisés en lots, ont été attribués à Be in Sport (la future chaîne d'Al Jazeera), Canal + en conservant une petite partie ; exit, donc, TF1, Christian Jean-Pierre et la gratuité des matchs puisque, désormais, il faudra s'abonner à l'une ou l'autre des deux chaînes pour suivre les prochaines campagnes européennes.

Il y aurait bien une solution, calquée sur le cahier des charges de la Fédération qui impose que le diffuseur des matchs des Bleus garantisse la gratuité du service. Et, d'une certaine façon, cette clause est prévue par l'UEFA, qui a prévu que la finale doit être diffusée gratuitement, à charge pour la chaîne titulaire des droits de négocier un accord avec une chaîne lambda qui ne serait pas à péage (M6, TF1 ou France 2 - hum, Xavier Gravelaine pour la finale de la Champions League...). Le tempérament est bien faible, toutefois, pour nous, petits Français, qui désespérons de voir un jour un club de l'Hexagone marcher sur le toit de l'Europe. Faisons-nous une raison : nos mardis et nos mercredis pourront être mis à profit pour la lecture du soir aux enfants.

Nul doute que la décision risque de provoquer quelques aigreurs, mais demain seulement. Pour l'heure, seule la bière bavaroise risque de peser sur l'estomac des supporters. L'horizon humain est assez court, disais-je, et quand on voit ce qui se profile et la défaite qu'il y aura déjà à digérer, on se dit que ce n'est pas plus mal.

lundi 2 avril 2012

Winner is Losc

Tandis qu'il récidive avec des petites phrases piquantes à l'endroit du corps arbitral, Jean-Michel Aulas semble rendre les armes définitivement avec, en marge de sa nouvelle saillie, une déclaration qui resterait anodine si elle n'était pas fausse : "en toute logique, le titre sera pour Paris ou Montpellier". 

Comment ça, "fausse" ?

Rigolez, chers lecteurs, puisqu'en matière de pronostics, je n'ai jamais fait preuve d'un grand talent. Mais qui m'aime me suive : je vous affirme avec force que ceci est archi-faux puisque le champion couronné le 20 mai sera Lille !

Célébration collective contre Toulouse, hier - Image d'un Lille en confiance et qui tourne à nouveau à plein régime.

Je suis un farouche défenseur du théorème selon lequel il ne sert à rien, pour gagner un titre, d'être devant à l'automne ; ce qui compte est de bien courir la ligne droite printanière - vous savez, le fameux "sprint final". Applicable à la perfection aux courses cyclistes et chevalines, cette loi qui, comme toute bonne loi, aménage des exceptions, l'est tout autant aux pelouses rectangulaires. Le mois de mars est, en effet, celui où les muscles se crispent à cause de l'enjeu, où les surprises déçoivent ou tâtonnent et où les plus ambitieux, qui ont réussi à ne pas se faire distancés au classement, roulent bruyamment, à tombeau ouvert, sur la bande d'arrêt d'urgence.

L'OM s'est longtemps fait le spécialiste de ces finish en trombe : parvenant avec plus ou moins de peine à accrocher une 6e ou 7e place au sortir de l'hiver, le club phocéen devenait irrésistible par la suite et grillait la politesse à ceux dont il ne voyait jusqu'ici que le dos.

Gare aux trajectoires

Cette année, avec trois sorties victorieuses de suite en mars, on tient notre candidat : le champion de France en titre, le LOSC de Rudi Garcia et Eden Hazard. A côté de lui, Montpellier résiste, mais a pour pire défaut d'être régulier, tandis que le PSG commence à patauger, voire à gamberger, et doit gérer le cas Nenê - ce sont peut-être d'infimes vaguelettes par rapport aux remous qui secouent d'ordinaire le club de la capitale en novembre, mais c'est aussi le signe que tout ne tourne pas si bien là-bas.

Les Dogues seront-ils capables de prolonger la série et de subtiliser la couronne promise aux princes du Parc ? A l'instar du vélo ou des chevaux, il faut jeter un oeil sur le parcours pour se faire une idée. Or, à 8 journées de la fin de saison, les Nordistes en ont déjà fini de batailler avec les équipes du top 10, à la double exception notable d'une confrontation directe contre Paris (à Lille, le 29 avril) et Montpellier (à la Mosson, le 12 mai) en mode explication de texte.

Ce n'est pas habituel, mais le ciel du Nord est décidément bien bleu.

(Évidemment, à l'instant où je mets un point final à cet article, So foot me devance et - disons-le - me copie allègrement...)

dimanche 1 avril 2012

La rébellion des petits

C'est à se demander si ce n'est pas un poisson d'avril. La demi-journée d'hier (il reste 3 rencontres à disputer aujourd'hui et une 4e dans dix jours) a livré son lot de surprises, en effet. Ou plutôt, de demi-surprises : la défaite du PSG était dans les cartons tant la qualité de jeu des Parisiens semble s'être évanouie avec l'arrivée des beaux jours - une arrivée coïncidant curieusement avec celle du technicien italien ; au moins cela met-il du piment pour la fin de saison et la lutte pour le titre. Les autres fausses surprises concernent des clubs empêtrés dans une situation anormale compte tenu de leur histoire ou de leur effectif : Auxerre, lanterne rouge, l'OGC Nice et la jeunesse sochalienne moisissent dans les profondeurs du classement et sont tous les trois menacés par une descente à l'étage inférieur. Il reste, certes, du temps pour sceller les sorts et d'autres, sûrement, peuvent craindre la relégation (Caen, Valenciennes, Ajaccio, voire Lorient, battu ce week-end par Evian et dont le calendrier peu clément risque de compromettre l'avenir parmi l'élite) ; mais Auxerrois, Niçois et Sochaliens avaient l'obligation de réagir pour ne pas rester englués en bas de tableau.

Anthony Mounier

Ce fut chose faite. En dépit d'un effectif aux pieds carrés, Auxerre a pris trois points contre un concurrent direct pour le maintien (Valenciennes) ; Nice a renversé Saint-Etienne grâce, notamment, à un Anthony Mounier sur lequel il y aurait beaucoup à écrire (issu, comme Loïc Rémy, du centre de formation de l'OL, il symbolise la faillite du système lyonnais : alors qu'elle tournait à plein régime et qu'elle marchait sur la Ligue 1 et aussi, un peu, sur la Champions League, la machine à gagner lyonnaise a commencé à tousser avec la cession systématique de ses meilleurs jeunes) ; Sochaux, enfin, a mis du temps à se défaire des Brestois, toujours solides à l'extérieur, et c'est une excellente nouvelle pour Martin, Boudebouz, Nogueira, Butin et Bakambu.

Un mot, pour finir et pour inscrire dans le marbre de ce blog deux réflexions.

Il y a souvent, dans tout championnat, des joueurs brillants et fiables, mais que l'on s'empresse de définir comme des stars capables de porter un club plus huppé vers les sommets, qui deviennent internationaux avant de retomber dans l'anonymat ou qui partent précipitamment à l'étranger pour revenir au bout d'un an par une porte dérobée. Ces joueurs-là sont les bons joueurs de club, ceux qui sortent du lot dans un collectif bien huilé, mais à qui on ne devrait pas faire des ponts d'or, faute d'avoir le talent ou la mentalité indispensables pour briller en n'importe quelle circonstance. Il faut accepter l'idée que tous ne sont pas appelés à évoluer au plus haut niveau et qu'il y a une différence de taille et de classe entre Özil et Hazard, d'un côté, et Grougi et Obraniak, de l'autre ; pourtant, Grougi et Obraniak sont vraiment de très bons joueurs de Ligue 1, largement sous-estimés - comme Mounier (encore lui).


La seconde réflexion est une incompréhension totale : Thomas Kahlenberg. Et de me dire que, décidément, il y a des places à prendre dans les cellules de recrutement des clubs professionnels français. Car, malgré d'immenses qualités éprouvées lors de son long bail à Auxerre, le Danois a disparu du radar des clubs français jouant des compétitions européennes cette année. Il a pourtant vécu une expérience décevante en Bundesliga (Wolfsbourg), au point d'être prêté cet hiver à Evian Thonon Gaillard. L'étonnant promu a certainement réalisé (avec Dijon et le recrutement de Gaël Kakuta) le "coup" de l'année. Comme quoi, être une grosse écurie ne présume en rien de votre intelligence, de votre clairvoyance ou de votre connaissance du football.