mercredi 21 décembre 2011

Welcome Mr Beckham

L'arrivée de David Beckham dans le championnat de France est incontestablement le premier fait marquant du mercato hivernal : au rythme où vont les choses et au regard des ambitions sportives et extra-sportives des richissimes propriétaires du club de la capitale, il y en aura sans doute d'autres. Mais, au risque de chatouiller l'oreille des plus sceptiques, j'ai la conviction que ceux qui suivront n'auront pas le même éclat. On ne parle pas en effet de n'importe quel joueur. David Beckham est une star, au vrai sens du terme. Il appartenait à l'élite mondiale il y a quelques années encore. Si j'osais l'exagération, je dirais qu'à côté de lui, le pied droit de Pedretti fait figure de pied gauche de Max... Oui, that's it : le meilleur compliment qu'on peut adresser à Beckham est certainement d'écrire qu'il a une main au bout de sa cheville.


Derrière le joueur mannequin que tout le monde voit se cache un superbe...

Sa venue est forcément une bonne nouvelle. Une bonne nouvelle, pourquoi (Ca y est, je me mets à écrire comme Laurent Wauquiez parle...) ? Parce que, retraité ou non, le joueur est un exemple à suivre. Tous ceux qui ont bossé avec lui vantent des qualités qui forcent l'admiration et le respect : humilité, hygiène de vie, professionnalisme... C'est aussi pour cela qu'on se trompe quand on lit, ici et là, que le Paris Saint Germain a besoin d'un leader et qu'il y a, partant, une place pour lui dans le club. Je ne crois pas que David Beckham soit de ces patrons qui recadrent les plus jeunes ou replacent les moins disciplinés. C'est une question d'égo. Je ne m'attends pas non plus à ce qu'il s'amuse à passer en revue la jeune garde des équipes adverses ou à enfiler les buts sur coups francs comme des perles - l'influence des huitres, sans doute, en cette période de fêtes. Je devine les sifflets tomber des tribunes au bout de trois journées. Déjà, à Gennevilliers, les blogueurs parisiens doutaient de l'utilité de son transfert au Parc quand ils ne se moquaient pas ouvertement de sa femme - j'ai tenté en vain de comprendre ce que la spicy Victoria avait à faire là-dedans... L'Anglais sait-il que le public est bête comme ses pieds - pas les siens - et que ses premières foulées sont attendues avec un solide a priori sur l'état de ses jambes ? Le Parc sait être hostile à ses propres joueurs, comme partout ailleurs en France, et s'y prépare déjà avec opiniâtreté.

Je suis heureux de voir le number 7 fouler les pelouses françaises. Je prie pour que, derrière les rampes du Camp des Loges comme dans les vestiaires, il n'y ait pas tant de jaloux ou de benêts pour ne pas l'accepter. Au coach, maintenant, de trouver les mots pour parler à ses hommes afin de dégonfler les égos. A lui, aussi, de trouver les moyens d'intégrer l'international anglais dans l'effectif et sur le terrain. Cela exige un sacrifice et il lui revient de décider qui doit sauter. Ce n'est pas mon boulot, même si j'avouerais ma préférence somme toute naturelle pour la place de milieu relayeur, aux côtés du récupérateur. Pour ma part, j'ai reçu mon cadeau et vais devoir attendre mi-janvier pour le savourer.

lundi 12 décembre 2011

Pierrot la Cup V : OS y était

Il y a peu, j'évoquais deux surprises. Levons le voile sur la première : je suis récemment parti à Gennevilliers afin d'y disputer la 5e édition de Pierrot la Cup et j'attendais les images pour partager ça avec vous.

Le tournoi est organisé par et en présence de Pierre Ménès, alias Pierrot le foot. Autant vous le dire tout de suite : j'aime assez celui qui torpille à tout va car j'aime sa connaissance du football et ses exigences. Je ne m'arrête pas comme beaucoup à ses coups de gueule qui ont fait de lui le personnage médiatique qu'il est. Je ne le trouve pas tant dans l'excès et, même, je partage assez largement ses analyses. De là à dire qu'elles sont justes...

Pour tâter le cuir à cette occasion, il faut recevoir son carton d'invitation. Oui, vous lisez bien : je me suis fait inviter par le maître des clés. C'est une grande fierté, mais précisons tout de suite que c'est la seule ! Le bilan comptable de mon équipe à l'issue des matchs de poule a, en effet, été 0 point, 3 buts marqués, 13 encaissés... En terminant dernière, elle s'est hissée péniblement en quart de finale - ben oui, il y avait huit équipes engagées ! Là, nous nous sommes faits étrillés avant de remporter deux matchs "amicaux" pour nous consoler.

Noir et blanc, jaune et bleu

L'Urban foot est une espèce de foot en cage endiablé où vous pouvez jouer avec le mur et qui exige de l'endurance, de la puissance et une technique adaptée pour les petits périmètres* ; en somme, tout ce qui me fait défaut. Après quelques instants comme joueur de champ, j'ai sagement choisi d'occuper le poste de gardien, le seul où j'ai pu apporter quelque chose. "Sagement" n'est d'ailleurs pas tout à fait bien choisi : le ballon dur comme de la brique vous arrive du milieu de terrain et vous retourne les doigts à la moindre occasion. De fait, j'ai rapidement troqué les couleurs de la Vieille dame - noir et blanc - contre une peau couverte de bleus et de jaunes. Mais, dans l'ensemble, j'ai passé un bon moment. Je vous laisse voir tout ça en images - attention, j'y joue presque les premiers rôles...







* L'Urban foot se distingue du futsal ou du foot en salle (qui se jouent tous les deux sur un plus grand terrain - terrain de handball, généralement)...

jeudi 8 décembre 2011

Il pleut sur Zagreb

Le stade est vide, mais les lumières blanches des tours de Maksimir ne sont pas encore éteintes. Une odeur d'alcool et de tabac froid descend des allées menant aux tribunes et m'envahit les narines. Des papiers déchirés jonchent le sol. J'arrive devant un cordon bleu. Deux policiers se retournent vers moi. L'un d'eux tient un gobelet de bière. Un gobelet de mousse, plutôt, que l'alcool a déjà déserté à cette heure où la température de l'air est redescendue sous le zéro.
"Ah ! C'est vous..."


Je ne m'attendais pas à une réaction de franche camaraderie de leur part. On a beau faire partie du même bateau, qu'ils voient d'un mauvais oeil la venue d'un enquêteur français ne m'étonne guère. A leur place, je ne serais pas sûr d'accepter non plus, sans réserve, pareille intrusion sur mon territoire.
"Qu'est-ce que vous avez ?
- Une victime. Néerlandaise. Le crime remonte à moins de deux heures.
- Des témoins ?
- Plusieurs milliers.
- Un suspect ?
- ..."
Je ne parviens pas à savoir si le regard de mon interlocuteur marque la surprise ou le mépris.
"Francuski ! 
- ... Où sont-ils ?"
Je pose la question par politesse. En réalité, je connais la réponse. Le bus des Français est certainement en route vers l'aéroport de Zagreb dans l'indifférence totale. Le plus costaud des deux agents me semble plus préoccupé par la manière dont il va pouvoir remplir son verre vide que par la perspective de les cueillir avant l'embarquement. On jurerait, par tant de nonchalance, qu'ils fuient avec la bénédiction des autorités locales.

La rumeur s'est répandue comme une traînée de craie dans toute l'Europe : la victime, ancienne habituée des projecteurs, aurait été violée par onze, douze, peut-être davantage, assaillants lyonnais qui, tous, ne sont pas dans la force de l'âge.
"Fait chier... Pour une fois qu'on a l'occasion de faire la fête, de partager simplement un bon moment... Hier, Marseille m'a fait vibrer comme quand j'avais 14 ans. J'avais pas les frissons, pas les mêmes, mais c'était au moins aussi intense. Avec un finish digne de la tête de Kombouaré, un Azpilicueta parfaitement intégré, un Rémy de plus en plus jumeau d'Henry et, même, un Diarra en "homme qui marche" qui n'y croyait plus à la 57e... Et vlan la tête du fils d'Abedi à la 84e ! Et vlan la frappe d'ailleurs de Valbuena à la 87e ! Et aujourd'hui, c'est Lyon, un cas désespéré, 5 % de chance de leur côté... Il faudrait un concours de circonstances impossible, la victoire du Real à Amsterdam et un festival offensif en Croatie ! Aussitôt dit, aussitôt fait ! Un quadruplé de Gomis ! Un qua-dru-plé ! Et puis bing ! Les tireuses sont à peine à sec et voilà qu'on m'appelle parce que, "on a beau dire, c'est quand même bizarre"... Fait chier... Ouais, bien sûr, moi aussi ça m'a intrigué. Moi aussi, j'ai dit tout haut que la main du président croate a dû serrer celle de Bernard Tapie dans les vestiaires... Ok, mais c'était en plaisantant ! Faut arrêter de voir le mal partout et savourer, merde ! Mais ça, c'est pas possible, c'est au-dessus des forces de l'être humain... Ok, marquer 7 buts à l'extérieur avec une équipe B quand vous n'êtes pas en confiance et qu'il vous faut marquer au moins 4 ou 5 buts... Mais... On ne croit plus en rien, plus à la magie. Pas même à celle de Noël, putain ! Et ces enquêteurs de pacotille, de l'autre côté des Pyrénées, qui dissèquent les images comme des cadavres et croient voir dans un clin d'oeil plus fantasmé que vérifié l'aveu d'une complicité ! Non, mais je rêve ! Ce sont des dingues ! Bientôt, on va découvrir que Manchester United a fait exprès de ne pas se qualifier pour rompre avec la routine ou ou ou par crainte de se casser une nouvelle fois les dents sur l'os barcelonais... Ou que Franck Béria n'est pas moins fort que Debuchy, à gauche... On entend tout et son contraire, c'est épuisant. Tout ce qui est vrai est faux et tout ce qui est faux... Je n'en sais rien. Tout ce qui vit est prétexte à complot. "Dès qu'il y a des gros sous en jeu". Ah ! Faut pas compter sur Internet pour ralentir la circulation de ces on-dit ! Pas plus que sur les Espagnols ! Non, fait chier, vraiment. Il n'y a plus de confiance, elle est détruite sous prétexte que tout s'achète, que tout PEUT s'acheter. On se méfie de tout, de tout le monde, en permanence. De son voisin de palier ou de sa femme. D'un gardien anglais qui fait une bourde ou d'un arbitre qui ne voit rien, sans se souvenir de ce que sont génétiquement l'un et l'autre. D'une passe ratée, d'un contrôle du genou sur une pelouse indigne d'un club de ligue départementale. Et puis, quoi ? Où est le mobile ! Vous croyez vraiment qu'on ferait ça pour un chèque de 3 millions d'euros et même moins puisqu'il faudrait reverser ce que l'on a - ce que l'on AURAIT - promis à l'adversaire ? Vous croyez que JMA serait prêt à cette extrémité uniquement pour se caresser l'égo et faire entrer son OL chéri dans le panthéon de la Champions League avec une énième qualification de suite en huitième de finale ? Pas de quoi franchir la ligne jaune, sérieux... Quand je dis qu'on doute de tout, l'esprit bien salé : l'enquête de l'ARJEL sur d'hyptohétiques paris frauduleux, c'est de la désinformation pur jus. On nous bassine avec son déclenchement pour sous-entendre beaucoup de choses sans l'écrire et entretenir l'idée d'un match truqué qui fait bander, alors que c'est une procédure tristement normale... Non, c'est vraiment une époque où tout ce que l'on fait est donné d'abord aux chiens... Putain..."
Je ne me suis pas aperçu qu'il s'était mis à pleuvoir. Les deux policiers sont toujours là, les cheveux abrités sous une casquette assortie à leur veste paramilitaire.
"Fichu temps, hein !
- Ouais, encore un coup de ces Chinois ! Ils projettent de conquérir le monde. C'est c'qu'on dit."
J'éteins la cigarette que j'avais oublié d'allumer en pensant au reportage de TF1 qui recyclait des vidéos d'agressions new-yorkaises pour illustrer la recrudescence de la violence à Paris. Allez démêler le faux du vrai, vous.

mercredi 7 décembre 2011

Al-Jazeera, Jazeera, Jazeera

Il fallait bien ce refrain révolutionnaire pour évoquer ce qui, de mon point de vue, sonne comme un coup de tonnerre dans le paysage audiovisuel français. L'information n'a pas pu vous échapper car, aussi platonique que le football puisse être, elle a été relayée par toutes les rédactions dignes de ce nom : Al-Jazeera, la chaîne quatarie, diffusera les rencontres de Ligue des Champions dès 2012, à l'exception négligeable des grandes "affiches" qui appartiennent à un lot qui reste à attribuer et dont TF1 a les droits jusqu'en mai. Exit donc Canal ; qui sait si l'on reverra encore les incomparables "palettes à Doudouce".


L'UEFA a tranché. Elle a attribué les droits télé des trois prochaines saisons de la reine des compétitions à "La Péninsule" - Al Jazira en arabe - chaîne sortie de nulle part dans les années 2000. L'attribution s'est réalisée sans surprise puisque le Qatar avance à découvert, ne cachant plus ses vues sur le marché européen et français. Une chose me chinoise tout de même dans cette main basse sur mes mardis et mes mercredis soirs. Je ne peux me sortir de l'esprit ce sentiment que cette affaire met plus que jamais peut-être en exergue les travers de la libre compétition économique entre opérateurs intéressés par la perspective de diffuser des matchs de Champions League et qui en font leur commerce - ou projettent de le faire ; un libre jeu du marché salué là par notre ministre des sports David Douillet, c'est dire... Quand on sait que Canal a signé un chèque de 30 millions d'euros par an pour empocher le dernier marché et qu'Al-Jazeera a proposé le double, je m'interroge sur le sens de tout, sur la morale, l'égalité des armes ou la concurrence (dé)loyale. Il n'y a pas eu combat, puisque la chaîne du Qatar a de facto éliminé tous ses concurrents en achetant les droits de retransmission bien au-delà du prix du marché et des capacités financières de Canal. Al-Jazeera est arrivée, a voulu, a vaincu. Le marché écrasé n'est autre que le jouet de ses nouveaux propriétaires.

Ne cherchez aucun sentiment patriotique ou "qatarophobe" dans mon billet ; mais le constat personnel que mon époque est décidément bizarre. Pas moins bizarre, en vérité, que la réaction d'Emmanuel Berretta, certainement bien renseigné, qui voit dans l'exclusion de Canal une vraie opportunité pour la chaîne cryptée : elle va pouvoir se replier sur les activités de création et production de fictions qui font sa nouvelle renommée internationale tout en réalisant une précieuse économie de 30 millions d'euros et en conservant les droits sur la Ligue 1. Certes. C'est oublier que si Canal est la chaîne du sport et du cinéma, elle est surtout celle du foot. Sans revoir rapidement à la baisse le prix de son abonnement, le risque est immense de voir le nombre d'abonnés fondre à vue d'oeil comme la neige à la flamme d'une bougie de Noël. 35 € pour un Bordeaux - Marseille au mois de février sans la promesse d'un Manchester United - Bayern, ça devient cher. Conseil d'un futur ex-abonné ?

mercredi 23 novembre 2011

Patience en novembre, Noël en décembre


Oyez, oyez ! Je ne vous oublie pas - comment le pourrais-je ? J'ai même mille et une idées en tête et, forcément, un peu de retard. Mais je veux simplement vous rassurer autant que vous mettre l'eau à la bouche : je reviens très bientôt avec deux surprises que j'espère réussies.

Des indices ? Manger des chips peut rendre foot...

Je reconnais que les indices sont minces - je dis bien "les" car il y en a deux dans cette seule phrase, même s'ils n'ont rien en commun. Mais il faudra vous en satisfaire !

A très très vite !

jeudi 10 novembre 2011

Poppy or not Poppy?

Sport et Histoire font-ils bon ménage ? Non, et puis finalement oui ; ainsi en a décidé la très puissante FIFA dans une affaire qui a remué nos voisins anglais jusqu'aux tripes de David Cameron himself.



Samedi dernier, l'instance zurichoise a refusé d'accéder à la demande de la fédération anglaise de football (FA) qui souhaitait que, lors la rencontre internationale amicale programmée après-demain, Rooney and co arborent un coquelicot rouge sur leur maillot en hommage, notamment, aux combattants de la Grande Guerre. Pour la FIFA, "les lois du jeu stipulent que l'équipement des joueurs ne doit arborer aucun message à caractère politique, religieux ou commercial (...). La FIFA comprend la volonté de la FA de commémorer les vies des membres de leurs forces armées et a approuvé sa demande d'observer une minute de silence avant le coup d'envoi du match de l'Angleterre contre les champions du monde espagnols, le samedi 12 novembre à Wembley" (communiqué du 5 novembre 2011).

Let my poppy grow!

Dans les coulisses, on justifiait ce refus par la crainte d'ouvrir "la porte à d'autres initiatives partout dans le monde" et de mettre ainsi "en danger la neutralité du football". Mouais. Sur le plan du droit - même le football a ses Lois - et de la "morale", la décision me laisse perplexe tant elle brille par son incohérence et son manque flagrant de lucidité.

Détails techniques - Numéros (art. 6)
Vous l'ignorez peut-être, mais, s'agissant de la tenue des sportifs, la FIFA - comme l'UEFA - a prise sur tout. Elle dicte ses règles applicables à la taille des numéros imprimés au dos des maillots, au nombre de couleurs autorisé ou à l'épaisseur de la couture du pantalon d'échauffement du gardien - j'exagère à peine. Tout est minutieusement décrit dans le Règlement de l'équipement, réédité en 2010, véritable bible technique épluchée par les équipementiers et les fédérations nationales qui y sont rigoureusement assujetties : chaque tenue doit être homologuée par la FIFA qui autorise préalablement le port de tel ou tel accessoire, vêtement ou emblème.

A vue de nez, le coquelicot en question s'analyse en un "élément décoratif" régi par l'article 8 et défini dans le préambule du texte. Ce fameux article 8 prévoit que l'élément ne doit pas ressembler visuellement à un "symbole religieux" ou à "aucun autre symbole analogue". Il faut y voir, en vérité, un rappel aux termes de la Décision 1 du très conservateur International Football Association Board qui a précisé, sous la Loi IV relative à la tenue des joueurs, que "l’équipement de base obligatoire ne doit présenter aucune inscription politique, religieuse ou personnelle". C'est d'ailleurs sur ce fondement qu'a été récemment interdit aux Iraniennes le port du foulard en compétition officielle.

La FIFA au milieu du gué

A en croire les responsables de la FIFA, le rejet de la requête anglaise vient du caractère politique inhérent au pauvre petit coquelicot. L'accepter serait alors faire perdre au football son devoir de réserve et de neutralité. En somme, dire non au coquelicot, c'est dire non au risque de dérive qui naîtrait de l'instrumentalisation du foot à des fins revendicatives extérieures ou contraires aux sacro-saintes valeurs sportives. Rien que ça !

La décision est toutefois d'une formidable incohérence - ou plutôt, était. Si le politique n'a pas droit de cité dans une enceinte sportive et que le port du poppy est par conséquent interdit, on comprend mal pourquoi la FIFA autorise Wembley à observer une minute de silence, cérémonial qui véhicule très exactement le même message que celui porté par la jolie fleur rouge. De deux choses l'une : soit on aseptise le milieu et on ne fait place à rien - ni coquelicot, ni minute de recueillement, ni brassard noir ; soit on ne craint pas l'immixtion du politique (en se réservant la possibilité d'autoriser ou d'interdire au cas par cas) et on tolère aussi bien le coquelicot que la minute de silence ou le brassard noir.

Harry Patch, l'avocat du coquelicot

Il y a plus grave que de se représenter le football comme un monde isolé, hermétique, voire allergique à tout ce qu'il ne sécrète pas lui-même et replié sur ses propres valeurs - d'ailleurs, fort heureusement, ce n'est pas toujours le cas puisque l'UEFA admet, pour sa part, que le Barça porte au zénith les couleurs de l'Unicef... Il y a le mélange et l'incompréhension, la confusion du sens et le conservatisme aveugle : le port du coquelicot est une tradition dans les pays du Commonwealth, qui ne veulent pas oublier les hommes tombés sur les champs de bataille sur lesquels plus rien ne pousse à l'issue des combats, excepté ces fleurs rouges et les bleuets (portés par les anciens combattants français). Mais il y a bien plus. En grattant un peu, on découvre que le message que le coquelicot délivre n'est pas un message de camp, pro-allié. Au contraire, la fleur rouge dépasse le conflit pour embrasser les 500.000 morts et blessés dans les tranchées de Passchendaele (250.000 du côté allemand, 250.000 de l'autre). Vous ne croyez pas à cette poésie ? C'est pourtant Harry Patch, ancien acteur de ce drame humain et collectif, aujourd'hui disparu, qui l'affirme.
"Il est important de se souvenir du conflit, des deux côtés. Quel que soit l'uniforme porté, on a tous été des victimes".
Arborer un coquelicot sur le maillot ne rompt donc pas avec la neutralité du football, bien au contraire. Le petit poppy convoque l'histoire de la manière la moins partisane possible. Bien plus qu'une valeur, il incarne l'obligation de mémoire, imperméable à toute idée de rivalité, de nation ou de camp.

La FIFA a peut-être eu peur de braquer les Allemands ou - qui sait ? - de souffler sur les cendres du conflit de la première guerre mondiale en ces temps de crises qui font généralement le lit des extrémismes et des réflexes identitaires. Elle a fort heureusement révisé son jugement, a-t-on appris ce matin. Après la bataille, le calme revient : samedi soir, il y aura bien des coquelicots sur le gazon londonien.

mardi 8 novembre 2011

Thank you for smokin', Joe

Il y avait, au fond de ma boîte à sujets, des billets pré-rédigés sur le poker (je dois encore répondre à deux fidèles lectrices) ou sur une affaire qui secoue autant le droit que le football européen. Mais OS se fait rattraper par une actualité plus brûlante et je suis contraint de changer mes plans éditoriaux : Smokin Joe s'est éteint hier soir, 7 novembre ; on lira à coup sûr, sous la plume de journalistes trop verts, quelque formule facile comme "il a perdu son dernier combat contre la maladie".

Legend gone up in smoke

Qui est Joe Frazier, alias Smokin Joe ? Pour beaucoup, c'est un nom qui dit simplement quelque chose et, pour les plus jeunes, une option solide dans Fight Night. Pour les amoureux du sport, il est une légende qui a régné sur la catégorie reine de la boxe mondiale au point - ce n'est pas peu ! - d'inspirer un certain Sylvester Stallone qui fera monter les marches du Philadelphia Museum of Art à son Rocky et cognera contre un quartier de viande à s'en faire saigner les mains, en hommage au garçon boucher de Philadelphie que Joe était.

Smokin Joe était un lourd plutôt atypique : d'une taille moyenne, trapu, il n'était pas armé pour atteindre ses adversaires à distance. Il a su toutefois compenser son allonge modeste en maîtrisant à la perfection l'art du corps à corps et en travaillant la puissance de ses coups, à la façon d'un Mike Tyson.

Le combattant du siècle

Joe Frazier est surtout connu pour être the rival de Mohamed Ali, qu'il a battu lors du "combat du siècle" le 8 mars 1971. Les deux hommes se sont détestés, l'un sans doute plus que l'autre, le grand Ali passant le plus clair de son temps à mépriser Frazier et à se moquer de lui, y compris sur le ring.

L'origine de cette rivalité est politique autant que sportive : au contraire de Joe, garçon plutôt timide, Ali est hautement engagé dans la défense de la cause noire aux États-Unis, aux côtés notamment de Malcom X, et a fait payer à sa façon le défaut d'engagement ou de manifestation de solidarité à celui qu'il appelait "Oncle Sam".

Mais Ali contestait surtout la légitimité du titre de champion du monde conquis par Smokin Joe en 1970. Ce dernier avait obtenu la précieuse ceinture en terrassant un boxeur - Ellis - qui la portait autour de la taille par accident et par défaut : en 1966, Ali refuse de servir dans l'armée américaine au Vietnam. Objecteur de conscience, il est éloigné des rings pendant trois années et sa licence de boxe lui a été retirée. Blanchi - si l'on peut dire - par la Cour suprême, Ali a alors renoncé à sa ceinture dorée, laquelle a été remise à Ellis. Autant dire que Frazier n'est rien à ses yeux, et surtout pas un champion légitime.

L'affiche du premier combat entre les deux éternels rivaux - 8 mars 1971.

The greatest fighter of all times

Frazier v. Ali, c'est un peu comme Federer v. Nadal, le respect en moins. A la veille du combat du siècle, Smokin Joe accuse 26 combats pour 26 victoires dont 23 par K.O. Son adversaire, aussi, est invaincu et, au bout de l'épuisement, Frazier lui inflige sa première défaite dans un Madison Square Garden debout et enfiévré.

 

Smokin Joe - il est temps de vous dire que son entraîneur lui demandait de faire sortir le feu de ses gants - restera invaincu jusqu'à ce qu'un colosse de cinq ans son cadet lui tombe lourdement dessus un soir de janvier 1973, à Kingston. George Foreman le mettra trois fois à terre dès le premier round, puis trois fois dans le second avant que l'arbitre n'arrête le combat. La fin d'une époque.

Ali aura sa revanche - une victoire aux points - et une belle sera organisée à Manille en 1975. Ce sera un combat de géants sur le déclin, remporté par un Ali qui finira à l'hôpital. Joe, lui, termine le combat défiguré et son entraîneur lui retire les gants à l'issue du 14e round.


Joe Frazier était un homme ordinaire et réservé au quotidien et un combattant dur sur le ring. Haï, humilié par son éternel rival, il est parvenu à arracher à Mohamed Ali une petite phrase en forme de reconnaissance, crachée après le troisième combat : "he is the greatest fighter of all times... next to me" *.

Penser Ali était penser Frazier, les hommes comme leur nom étaient inséparables. Ils ne le sont plus que pour l'histoire - quelle sensation étrange d'imaginer que l'un puisse désormais vivre sans l'autre.

* C'est le plus grand boxeur de tous les temps... après moi.

dimanche 23 octobre 2011

Ki-we are the champions!



OS a aimé : la ferveur d'une nation, debout derrière ses All Blacks ; le début de match des Français ; la seconde mi-temps des Français et le doute instillé dans l'esprit de Kiwis tendus par l'obligation de l'emporter ; la défense ergotée du coq ; la hargne d'Harinordoquy et de Dusautoir ; les courses de Read ; l'essai de Woodcock ; les 60 mètres du banni Trinh-Duc ; les dix dernières minutes d'intensité pure ; les commentaires précis et éclairés de Kuzca ; la réconciliation, la volonté du XV blanc de jouer, de ne pas "insulter" la finale et de sortir la tête haute en vainqueur "honoraire" ; le happy end malgré tout.

OS n'a pas aimé : la chorégraphie énigmatique et la marche en avant du XV français au moment du haka néo-z ; l'assassinat de la finale par la pub lancée par le diffuseur exclusif de la finale - TF1 - à une minute du coup d'envoi ; la moustache de Lièvremont ; les fourberies de McCaw et son poing dans le visage de Parra ; les "Elonou" de Christian Jeanpierre ; le manque de réussite des buteurs, de la révélation Weepu surtout ; l'arbitrage de... l'arbitre ; la confiscation déloyale - et intelligente - du ballon par des Blacks heureux de voir s'écouler le temps.

vendredi 21 octobre 2011

Shuffle up and deal ! *

Le poker a son propre langage auquel la poignée de lecteurs d'OS n'est pas forcément familier. En me promenant sur un forum où les membres partagent leurs expériences et délivrent leurs conseils, je suis tombé par exemple sur un échange entre joueurs dont voici un extrait :
"je viens d'arriver a la table. j'ai juste jouer 3 main avant je ne connait pas vilain, flop et turn je ne relance pas car je veux lui laisser ses bluff et je pense être payer que par mieux et il y a quasiment pas de tirages. mais river j'ai eu une décision difficile. je voulais connaitre votre opinion face a ce genre de mouve et savoir si c'est ev+"
Réponse : "Sans read fold river il représente vraiment peu de mains mais call overbet avec QT ici est spew." (source)
Ca vous parle ? Et encore, je vous passe le discours ultra-vernaculaire :
"Vilain est ce que j'appelle plutôt un "reg fish", je l'ai 24/17/2.7% de 3bet, 52% de fold to 3bet et 1.1 d'agg sur environ 1Kh. Le squeeze preflop est assez std imo. Flop je Cbet environ moitié pot ce qui est mon standard sur les boards relativement secs et il call vite. Turn c'est une bonne carte pour ma main mais ça améliore grandement sa range aussi qui peut être AK, QQ, flush et un random 33/22 mais peu probable. Ok avec la ligne? et action turn ? shove? bet/call? C/F? C/R? Le pot fait 15€ et il reste 20€ effectif environ" (source)
Contrairement aux idées reçues, ce jeu de cartes est d'une technicité folle, tout ne reposant pas sur le hasard. Mais je me demande parfois si les codes verbaux qui sont utilisés à l'envi par quelques-uns n'ont pas été inventés pour faire fuir ou complexer les nouveaux venus. Une sorte d'écran de fumée, en somme, qu'il n'est vraiment pas nécessaire de connaître, sauf pour se faire reconnaître comme membre de la communauté du poker. C'est que le poker aussi très psychologique. Il mise beaucoup sur les apparences et il n'est pas rare de trouver installés à côté de soi, sur une table, des joueurs qui cherchent à vous impressionner en manipulant des mots dont ils ne connaissent pas tous la signification exacte. Du haut de ma si petite expérience, une partie de poker live ressemble à un jeu de qui-c'est-qui-fait-pipi-le-plus-loin auxquels participeraient des concurrents un poil mythomanes ou "méga-testostéronés" et d'une mauvaise foi excusable parce que vitale.

Il est plus facile de contourner la complexité du langage que celle du poker lui-même. On entre là, en effet, dans le registre des incontournables. C'est l'évidence, mais il faut au moins connaître les règles - encore faut-il savoir à quelle variante on veut jouer -, ces règles dont on dit qu'il faut cinq minutes pour les apprendre et toute une vie pour les maîtriser. Et puis, l'instinct ne faisant pas tout, il faut connaître les clés, certaines astuces et les paramètres à prendre en compte avant de prendre sa décision. Car, s'il faut résumer le poker en une ligne, je dirais que le poker est un jeu de décisions. Trois options s'offrent à vous continuellement et vous devez trancher : jeter, checker/suivre ou miser/relancer. Reste à faire le bon choix au bon moment et les éléments à considérer sont d'une variété infinie : structure du tournoi, niveau, nombre de joueurs à la table, position, nombre de joueurs dans le coup, volume des tapis (stacks), cartes en main, cartes de l'adversaire, historique, profil des adversaires, taille du pot, gestion du temps, espérance de gain, cotes, cycle de chance, fatigue etc...

J'ai envie d'écrire sur le poker pour en dévoiler la richesse, mais je ne veux pas non plus ennuyer mes rares lecteurs. Alors, j'oscille - voyez comme je prends soin de vous... ! Comment partager ma nouvelle passion, vous convaincre de sa subtilité ?

Vous savez quoi ? Je crois que j'ai trouvé : des exemples concrets et bien choisis feront l'affaire et vous en diront bien plus que les théories parfois lourdingues, quand elles ne sont pas fumeuses. J'essaierai d'en vulgariser l'analyse pour ne pas vous endormir.

Je prépare un premier billet sur une main que j'ai jouée récemment et qui plante le décor - si j'échoue à vous tenir en haleine, vous aurez tout le loisir de zapper ou de vous contenter des dernières lignes du message ; je ne vous en voudrais pas. En attendant, voici de quoi vous mettre l'eau à la bouche : une main de cash game (hors tournoi), opposant deux surdoués déjà millionnaires, Tom Dwan et Phil Ivey.


Le poker est intensément psychologique. La décision se fait aussi parfois en amont, avant que le croupier ne retourne les premières cartes du flop, que l'on ait entre les mains une paire d'As, une épée en plastique - une "poubelle" - ou un T 8 spéculatif (T pour ten ou dix).

Il paraît que "le plus important au poker, ce ne sont pas les cartes, c'est ce que vous en faites". Maintenant, vous le savez - la preuve par l'image. 

* Cette phrase rituelle sonne le début des tournois de poker. Elle ordonne aux croupiers de "mélanger" et "distribuer".

mercredi 19 octobre 2011

Demi-Tour de France

Du cyclisme sur OS ? Suis-je devenu hérétique ?

Il est vrai que je n'ai jamais consacré la moindre ligne au vélo ni au Tour de France. Mais, à nouveau blog, nouvelles envies - après tout, il n'y a pas qu'aux autres sports que je dois porter préjudice... : celle de relayer, à travers le blog, certaines informations que je considère comme marquantes pour le sport et qui auraient pu passer à travers vos gouttes. Celle, aussi, de ne pas tricher, d'avouer qu'une des premières choses que j'ai faites ce matin a été d'aller découvrir le parcours de la nouvelle Grande boucle, dévoilé la veille en grande pompe - allez savoir, un relent de l'enfance... Celle, encore, de partager une réflexion très personnelle après avoir regardé cette vidéo.


La remarque vaut ce qu'elle vaut, c'est-à-dire pas grand chose - c'est surtout un prétexte pour évoquer le Tour. Mais je me suis projeté, au mois de juillet, et je me suis demandé comment j'allais pouvoir expliquer à un petit homme que le Tour de France ne fait pas le tour du pays. Moi pour qui les mots ont un sens et qui tient à l'enseigner sous les yeux connivents de sa maman... Un tour qui n'est pas un tour ; ça commence mal...

dimanche 16 octobre 2011

Un coq dans le potager

Plaquage "cathédrale" de Sam Warburton
sur Vincent Clerc à la 18e minute
Avez-vous déjà vu une poule dans un jardin ? La volaille donne l'impression d'être née hier, d'être totalement perdue chaque fois qu'elle pose la patte là où, la seconde d'avant, elle n'avait jamais pensé la poser. Penser est à vrai dire au-delà de ses moyens. Ses pas sont improvisés, ses réactions aussi. Tout semble sujet à la découverte ou à l'expérimentation, et même la terre qu'elle foule a l'air d'être une énigme pour elle. Ca se lit dans ses yeux vides.

Le rouge est de sortie

Ce matin, sur la pelouse de l'Eden Park d'Auckland, la rencontre improbable d'un coq et d'un poireau a tourné à l'avantage du volatile à la crête aussi rouge que le carton sorti par l'arbitre francophone M. Rolland - dont les décisions sont critiquées en Nouvelle-Zélande - après un plaquage dangereux de Warburton à la 18'. Avec la blessure, un peu plus tôt, du pilier Adam Jones, la partie semblait dès lors pliée : le rugby est un gagne-terrain et amputer une équipe d'un élément simplifie au moins numériquement la vie des quinze assaillants ; les brèches n'ont pas à être créées, elles sont données à ceux qui portent le fichu ballon ovale.

Tout, bien sûr, ne se réduit pas aux mathématiques, mais l'avantage donné au coq français sur le poireau gallois devait être décisif. On imaginait déjà déferler les innombrables vagues bleues sur la défense adverse qui, à bout de souffle et de force, devait logiquement céder à un moment ou à un autre. Oui, mais voilà, c'était sans compter sur le XV hexagonal.


Aux antipodes du rugby

Faute d'être un expert en rugby, je ne suis pas à l'abri d'une erreur grossière d'analyse. Je ne saurais dire, par exemple, si les hommes de Marc Lièvremont étaient tendus au point de vouloir assurer l'essentiel ou s'ils ont simplement profité de l'expulsion de Warburton pour gérer le score avec une rigueur scientifique. Ils n'en ont pas donné l'air, bien au contraire. Et, à en juger par l'ambiance autour de moi, dans le bar, le sentiment était assez largement partagé.

Le rugby est un sport fondamentalement collectif même si l'on compte toujours sur l'exploit individuel d'un coéquipier pour faire la différence sur un crochet ou une passe. De collectif, il n'a surtout pas été question côté Bleu. A l'image du reste de la campagne néo-zélandaise, hachée et laborieuse, on a senti l'impuissance d'une équipe à peine soulagée par l'exclusion du capitaine gallois. A la limite, ce fait de match a eu l'effet inverse de l'angoisser davantage - ah, quand la peur de perdre prend le pas sur l'envie de gagner... Tout a été infiniment brouillon, sans génie, dans la bricole. Pourtant, là n'est pas le pire : le refus de jouer, le refus de porter le ballon à la main et de partir à l'assaut de la muraille rouge ; ça, c'est le pire. Or, la volonté de révolte est la seule chose qui doit vous animer lorsque l'imagination ou le talent vous a quitté.

Les Gallois, en face, ont tenté, couru, porté, soutenu, relayé, transpercé, réceptionné, plaqué, saigné d'un sang qui n'était pas toujours le leur. Ils ont démontré qu'ils connaissaient ce sport, le portent dans leurs gênes et le vivent dans la boue et dans les pubs. On ne demande pas aux Français d'écraser leurs adversaires, mais d'aller au combat, de ne pas y renoncer. Mais, sans mains, sans jambes, sans coeur...

Après 40 minutes de néant et 9 points marqués, le XV de France allait-il sortir de sa torpeur ? Non, le score n'évoluera plus en seconde période. Plus alarmant, le naufrage a été collectif. Le coq était perdu au milieu du jardin néo-zélandais et a tâtonné longuement. On craint la confrontation finale contre le maître des lieux.


Des Blacks et une bête noire

A l'autre bout du monde, la presse se réjouit de la victoire de la France et annonce une partie de rigolade. Il y a sans doute une part d'arrogance qui sera une source de motivation supplémentaire pour les Français - et, qui sait, de cohésion ? Il y a aussi l'envie inconsciente d'en découdre définitivement avec un XV maudit, qui réussi mal à la Nouvelle-Zélande en coupe du monde. Le coq est la bête noire des Blacks. Est-ce assez pour espérer quelque chose ? On semble loin, très loin de la victoire de 1999 et du respect de Jonah Lomu pour les courses "aériennes" de l'ultra-léger Philippe Bernat-Salles.

La une du Herald Sunday : "80 minutes et on rit"...
Tout est cependant possible tant que le match n'est pas joué. Et alors, qu'importe le résultat. Nous avons envie de fête, d'émotions, de ballons joués à la main et de flèches lancées dans le mur adverse. Nous avons envie de rugby, enfin. Il reste aux destinataires du message de l'entendre et de ne pas faire regretter la défaite des rugbymen du Pays de Galles.

jeudi 13 octobre 2011

En attendant demain

Dans les premiers temps de la rencontre qui a vu l'équipe de France arracher sa qualification directe au prochain Euro, en juin, je me suis demandé ce qui allait nourrir mon billet. J'ai longtemps oscillé entre un discours sur les origines de la ola, lancée à la 27e minute par un Stade de France plongé dans un ennui profond, et un mémo sur Intermeco, l'hymne national bosnien. Sans doute grandement aidé par le fait que le texte est introuvable (l'hymne n'a pas de parole...), ma décision a néanmoins dévié assez rapidement de ces cibles de substitution pour se reconcentrer sur le match - décisif - de mardi soir.

Paris reporte Safet

Au risque de vous surprendre, je ne vais pas verser dans le pessimisme ambiant. Je ne sais si une mouche m'a piqué, mais j'ai trop aimé la prestation des hommes de Safet Susic pour troquer mon sourire contre une grimace. J'ai aimé l'état d'esprit des premières minutes, l'occupation du terrain, leur pressing haut coordonné et la technique des milieux offensifs. Un bien beau collectif qui donnera du fil à retordre aux Portugais, en match de barrage.

Safet Susic, sélectionneur de la Bosnie et ancien meneur de jeu du PSG (1982-1991)
Évidemment j'ai envie de parler de nos Bleus, mais si la première mi-temps était d'une indigence rare, il faut aussi savoir reconnaître quand l'adversaire y est pour quelque chose. Car il a su profiter intelligemment des faiblesses d'un onze français tendu et apathique, et jouer un football décomplexé et offensif, à l'image de leur sélectionneur, ancienne gloire du PSG.

12e au dernier classement FIFA

Pour le reste, stigmatiser les folies d'Adil Rami ou le défaut de présence devant le but ne sert à rien d'autre qu'à brasser des vérités banales et stériles. N'ayons pas la mémoire aussi courte que les jambes de Valbuena : il y a un an, tout le monde s'accordait sur le fait que l'heure était à la reconstruction. Nous y sommes, les deux pieds dedans, et cela comporte son lot inévitable d'approximations, de crispations et de molle désaffection. Le temps ne semble jamais aussi long que dans ces périodes creuses, mais il ne faut pas se laisser aveugler : nous voulons tous offrir des leçons de football aux adversaires, jouer en confiance et susciter la crainte, gagner par quatre buts d'écart et célébrer une nouvelle génération de héros. Toutefois, la France est douzième au dernier classement de la FIFA et le pire est qu'elle est à sa place - être devancé d'un cran par la Grèce devrait être la seule cause objective de contestation.

Bien sûr, Ribéry, Abidal, Benzema ou Nasri sont des jolis noms sur la feuille de match. Mais, non seulement il y en a parmi eux qui n'offrent pas toujours leur meilleur rendement en Bleu ou qu'on ne voudrait plus revoir, mais il faut aussi regarder autour d'eux, ceux qui les accompagnent sur le terrain et le banc, quand ils ne sont pas à l'infirmerie.

Samir Nasri, après le penalty (78') qui offre le précieux ticket aux Français.
Nous sommes qualifiés après deux campagnes internationales ratées et traumatisantes. Nous sommes qualifiés avec des joueurs dont certains seront les cadres de demain - M'Vila, Martin, Gourcuff, Debuchy. La vérité est là, crue : nous sommes sortis en tête d'un groupe moyen avec des joueurs moyens ou en cours d'éclosion. Ménez, Rémy, Diarra, Hoarau, Kaboul, Cabaye, Gameiro, Rami ou Valbuena ne sont pas les alter ego de Bastian Schweinsteigger, de Xavi, de Rooney ou même d'Eden Hazard - ça se saurait et ça se verrait. C'est cet écart qu'il faut accepter de digérer.

Je ne suis pas d'un optimisme démesuré. Ce que je vois continue souvent de me faire hérisser les poils et je ne suis pas sûr de vibrer en juin. Je n'oublie pas non plus qu'il y a eu de bons passages lorsque l'heure n'était plus au calcul, mais à l'envie d'aller chercher quelque chose. Qui sait si, mardi soir, les sourires affichés après l'égalisation de Nasri ne signifiaient pas, plus que la délivrance, le début d'une belle aventure ?

Un groupe ne se construit pas sur décision, le temps n'a pas encore fini son oeuvre. Il faut savoir résister à la grogne collective et faire preuve de patience, car l'heure de faire les comptes n'est pas encore venue.

samedi 8 octobre 2011

On albanais ! On albanais !

La rencontre d'hier soir n'aura donné ni sueurs froides ni grandes émotions ; la faute à un adversaire deux crans en dessous de la moyenne européenne. Elle aura seulement nourri le sentiment du devoir bien accompli. Car si je ne parviens plus vraiment à m'enthousiasmer pour cette équipe de France, il faut dire que la copie rendue mérite bien un A.

Et un, et deux, et trois zéro...

Face à l'Albanie, je retiens trois noms : M'Vila, Nasri et Rémy.

Trois joueurs clés pour la victoire 3 à 0 contre l'Albanie (Qualifs Euro 2012)

Le premier n'a pas uniquement été impérial dans la récupération et dans la première passe. Rarement décevant sous la tunique bleue, le natif d'Amiens s'impose, à vingt-et-un ans, comme la tour de contrôle du milieu de terrain et marche sur les traces d'un Vieira à qui il ne ressemble pas. Il a surtout fait preuve d'une intelligence exemplaire : sous la menace d'une suspension pour le match décisif de mardi, Yann M'Vila a joué des épaules pendant 90 minutes sans jamais franchir la ligne jaune.

Une fois n'est pas coutume, le "petit prince" Nasri a justifié sa présence dans le onze de départ. Impressionnant sur l'action à l'origine du deuxième but, il a été utile dans la conservation du ballon et pour trouver les intervalles. Il a été ce qu'on attend de lui et ce que Malouda n'est pas malgré un CV bien épais : un leader sur le terrain - un leader technique, mais aussi physique ; et ça fait du bien.

Le troisième homme est le plus "Henryesque" des attaquants de l'Hexagone. Loïc Rémy ne compte pas parmi le gratin mondial, mais il est précieux en ce moment, à Marseille comme à Clairefontaine. Sa mobilité, ses appels de balle excentrés, son repli défensif sont des signes que le joueur est en confiance. Il gâche parfois, rate un peu, mais ne ralentit pas le jeu, ose, provoque et marque. Que demander de plus ?

Ca commence à sentir bon le bortsch

Evidemment, il y avait d'autres Bleus dans le jardin de Saint-Denis. L'un des hommes du banc n'est d'ailleurs pas passé inaperçu : le nom de Djibril Cissé a été scandé longuement dans l'enceinte du grand Stade. Il est certain qu'il n'y a pas joueur plus courageux, plus fort mentalement et plus fier de porter la virgule blanche sur le maillot - comme sur le crâne. Mais que le revenant fédère à ce point le public est une énigme, sauf à imaginer que le Français moyen rêvait à cet instant d'une bonne dose de hors-jeux, de crête punk ou d'une jambe brisée.


Le plébiscite a eu son revers malheureux : les sifflets qui se sont abattus des tribunes contre Gomis n'avaient pas lieu d'être, le Lyonnais s'étant montré intéressant et non avare d'efforts. Il fallait pourtant en sacrifier un et le peuple avait décidé que ce serait celui-là. Laurent Blanc, peut-être surpris qu'on lui force ainsi la main, n'a pas pris le risque de se mettre à dos des supporters réconciliés, mais toujours prompts à la rancune.

Parmi les titulaires, Mathieu Debuchy a incontestablement marqué des points. Tranchant, présent, rapide et accrocheur, le Lillois a déjà fait autant que Bacary Sagna en une campagne à son poste. Côté remplaçants, la rentrée de "MM" a permis de vérifier que le jeune joueur, qu'on dit en baisse de régime en ce début de saison, est encore capable d'adresser un bijou de passe décisive à destination de Réveillère, placé à gauche pour une pige inattendue et auteur d'un but très pastorien. Car, s'il n'était pas sur la pelouse hier, l'ombre de la pépite du PSG Javier Pastore a plané sur le match en donnant des idées aux buteurs du soir. Qu'ils copient l'artiste ne me gêne évidemment pas. Attention toutefois, au moment de passer la douane polonaise, à ne pas emmener l'Argentin dans leurs valises, mais seulement le DVD de ses exploits ; trop de talent chez les Bleus, ça finirait par se voir...

mercredi 5 octobre 2011

A la droite de Dieu

Le retraité Zidane continue de "créer le buzz", comme on dit. Des sorties médiatiques parfois programmées pour honorer un contrat, mais pas toujours. Il arrive que tout se passe malgré lui, pour des pseudo-événements qui ne valent objectivement pas le prix de l'encre web. Pour certains, le suivre ainsi à la trace est une manière de prolonger la magie. Pour d'autres, décortiquer ses faits, ses gestes, ses projets, est l'occasion de commentaires parricides ou de règlements de compte plus ou moins personnels. Quelle que soit l'intention, le cordon ombilical n'est toujours pas coupé.

On apprenait lundi soir, au sortir d'une journée de travail bien remplie, que l'ancien numéro 10 allait reprendre le chemin de l'école. Quelques heures plus tôt, il lâchait dans une interview parue au Parisien : "Sélectionneur, pourquoi pas ? Ce ne serait pas mal… Tout est possible dans la vie". Autant de déclarations relayées par tous, qui donnent à mordre à quelques-uns.

J'aurais dû en être...

Je ne suis pas certain qu'il soit dans la nature de Zinédine d'être coach ou formateur. Mais la parenthèse que je voulais ouvrir n'est pas celle-là. Il faut que je vous dise que le ciel m'est tombé sur la tête et ceux qui me connaissent bien parleront ni plus ni moins de malédiction.

La promotion "Zidane" compte, outre ZZ, Eric Carrière ou Olivier Dacourt...

La formation que Zidane commence à suivre depuis ce mercredi, jour de rentrée, est la meilleure de France en son genre, voire d'Europe. Il s'agit du DU Manager général de club sportif professionnel, exclusivement ouvert aux anciens sportifs professionnels et dispensé par le très fameux Centre de droit et d'économie du sport de Limoges... Limoges... Limoges...

Pardon, je m'égare... C'est que j'ai eu l'occasion de passer par la petite cité récemment et de visiter les locaux du CDES... Un oral de sélection pour une autre formation, dont les modules présentent un contenu commun au DU...

Soudainement, je relis de mémoire la lettre m'annonçant le refus du CDES. Ca réveille la déception et me rend plus amer encore. C'est que je n'ai pas choisi de postuler l'année dernière, il n'intégrera pas le DU dans deux ans. C'était là, maintenant ; et le rendez-vous est manqué...

samedi 1 octobre 2011

The English Way of Life

Il m'arrive souvent de penser que, sans le génie créatif de nos absurdes amis anglais, la vie n'aurait décidément pas la même saveur*.

Dernière invention en date, ce qui pourrait ressembler à première vue à du beach cricket.

Les Brambles, ce mercredi.

Si le cricket, sport exotique et insulaire, suscite l'incompréhension légitime des continentaux, le cricket sur l'eau se déroule en dehors de toute compétition officielle, lors d'un événement ponctuel, un peu à l'image de la Boat Race pendant laquelle les promotions de Cambridge et d'Oxford se font concurrence sur la Tamise. Ce rendez-vous insolite a lieu le jour de l'année où la marée est la plus basse, au sud du pays, entre Portsmouth et l'île de Wight. A cet instant et à cet endroit précis, la Manche laisse découvrir une étroite bande de sable, longue d'une dizaine de mètres, connue sous le nom de Brambles ; autant dire, le terrain de jeu rêvé pour une partie de cricket entre amis.

Comme toujours, les Anglais prennent la chose très au sérieux et les participants arborent la tenue blanche de circonstance - un art de la mise en scène qui décuple la tendresse de mon regard. Dans le public, certains surveillent le niveau de l'eau quand d'autres ont les yeux rivés sur leur pinte. Car la joute est d'abord prétexte à boire et à manger, bref à prendre du bon temps. "Il y a peu de jours dans une année qu'on attend comme celui-là : son anniversaire et celui de son mariage - quand on arrive à s'en souvenir - le jour où votre femme accepte de faire l'amour et le match de cricket aux Brambles !"

Après une trentaine de minutes, la Manche reprend ses droits. Le lieu se vide d'hommes et se remplit d'eau. La parenthèse est refermée. Merci d'avoir pensé à l'ouvrir il y a trente ans - un Français n'aurait jamais su. 

* Je porte un regard chaud, plein d'admiration sur les inventeurs du pudding et de l'humour - est-ce un hasard si l'un et l'autre sont sortis de leur imagination ?

jeudi 29 septembre 2011

Dans le Grenier de l'OL...

Les fins de règne sont de ces choses qui sont inscrites dans les gènes du sport. Retarder l'échéance, faire face à l'irrésistible écoulement du temps comme à l'appétit des concurrents, les éternels seconds et les jeunes pousses qui, hier, vous regardaient avec deux billes rondes à la place des yeux... On dit souvent que durer constitue le véritable défi. Comme si l'histoire - avec un grand H - répugnait à retenir ceux qui ne sont que de passage là-haut.


Est-ce parce qu'au sommet, l'air y est rare ? Est-ce l'effet de la loi de la gravité ? Tôt ou tard, il faut revenir sur terre. L'Olympique lyonnais en a fait l'expérience. Le club n'est plus que l'ombre de l'épouvantail qui, il y a encore quatre saisons, écrasait le championnat de France par son collectif bien huilé qui impressionnait au-delà des frontières et suscitait les convoitises en Europe. La faute, en partie, à l'accumulation d'erreurs. L'OL est sorti des rails et a commencé à ne plus regarder à la dépense, donnant le sentiment de troquer son statut d'expert dans l'art de gérer son patrimoine humain contre celui de parvenu, mu par l'irrépressible besoin de vivre le train de vie des riches sans en avoir tout à fait les moyens - la folle illusion de l'égalité... Avoir confié la baguette à Alain Perrin et faire signer Keita et Cissokho pour plus de 15 millions chacun stigmatisent bien la rupture et la nouvelle existence décadente du club.

La transition semble mieux négociée maintenant, après trois années de turbulences. Avec Rémi Garde, l'homme posé du sérail, on s'attend à ce que l'avenir soit moins sombre, même si, objectivement, le bilan comptable des Lyonnais n'est pas si mauvais puisque l'OL a, chaque fois, décroché son ticket pour jouer dans la grande cour de la Ligue des Champions.

S'appuyer sur sa base m'apparaît à la fois comme une solution convenable pour avaler l'os de la fin de cycle et, surtout, le point de départ, raisonnable et indispensable, à toute nouvelle ascension vers les sommets. Claude Puel parti, l'envie, l'ordre et la sérénité sont de retour à Tola Vologe. Et les résultats s'en ressentent. La qualité de jeu n'est pas à la hauteur de celle du passé, mais les points s'empilent trois par trois. A pas feutrés, Lyon avance et a entamé sa révolution intelligente.


Assez pour prétendre au titre dès cette année ? Il faudra compter sur Lille, candidat à sa propre succession, et sur Paris, dont la Pastore-dépendance ne tardera pas à se faire sentir. Rémi Garde a toutefois plusieurs cartes dans son jeu : il y a, dans la jeunesse lyonnaise, un vivier incroyable, pourvoyeur d'internationaux en puissance. Dans l'ombre de Gonalons, dont on dit que 2011-2012 sera la première saison en pleine lumière, grandit un jeune joueur aux attitudes et aux gestes qui ne laissent pas indifférent. Appelé à camper le rôle de doublure de Yoann Gourcuff une fois sa cheville rétablie, Clément Grenier a déjà montré des qualités qui, bien qu'à mûrir, ne sont pas étrangères aux meilleurs. Rarement pris à défaut sur un contrôle, il voit les espaces et passe bien les ballons. Il est aussi habile tireur de coup de pied arrêté. Un vrai potentiel mis à jour dans les deux récentes confrontations en Champions League (à Amsterdam et contre Zagreb), qui n'est sans doute pas sans avoir pesé sur la décision, a priori surprenante et précipitée, d'avoir offert à Pjanic un week-end prolongé à Rome, quelques minutes avant la fin du mercato estival. Interprétons ce départ comme un signe de confiance en direction de l'international espoir, dont Gourcuff ferait bien de se méfier tant Grenier pourrait lui ravir in fine la place dans le onze s'il ne retrouvait pas très vite son niveau bordelais.

Voyons la chose du bon côté : l'équipe de France comme le club de Jean-Michel Aulas n'ont que des motifs de se réjouir de la concurrence en voie de s'installer.