mercredi 4 avril 2012

La France rétrogradée

Le risque à se laisser bercer par le ronron de l'habitude est de penser l'état des choses comme éternellement acquis et, alors, de ne pas apercevoir à temps les changements qui vont chambouler le paysage quotidien. En France, on entend régulièrement les cris d'oiseaux de malheur, pestant contre le manque d'ambition des clubs de Ligue 1 pour mieux mettre en relief le risque de voir remis en cause notre précieux statut européen.

Qui que quoi comment ?

L'UEFA applique chaque année un système de calcul d'un coefficient visant à établir un classement officiel entre les compétiteurs (clubs ou nations) qui permet à la patronne du football européen d'organiser les futures éditions de ses compétitions. S'agissant de la Ligue des champions, l'article 2 du Règlement de l'UEFA Champions League 2011-2012 dispose ainsi que "les associations membres de l'UEFA peuvent inscrire un certain nombre de clubs à la compétition, selon leur position au classement par coefficient qui figure à l'annexe I a". Tout l'enjeu, pour l'UEFA et les associations nationales (fédérations), est donc de déterminer le nombre de places disponibles pour leurs clubs affiliés.


Voici une photographie, au 4 avril, de l'annexe I a du Règlement. Elle montre que la France occupe le 5e rang devant la Russie, l'Ukraine et la Roumanie. Ce classement lui offre deux privilèges : la qualification directe à la Ligue des Champions de la saison suivante pour le champion de France en titre (CH) ainsi que pour son dauphin (RU), privilège partagé avec la Russie (6e) ; le passage par un seul tour de qualification préliminaire pour le club qui termine 3e du championnat national (N3), à la différence du 3e du dernier championnat russe, qui a dû franchir, quant à lui, deux tours de qualification avant d'accéder à la prestigieuse compétition continentale.

La photographie fige un état mouvant, néanmoins, et elle ne montre pas que, derrière chaque rang, se cache le fameux coefficient. Or, l'annexe II du Règlement précise la méthode de calcul : il s'agit, en gros, d'une moyenne de points marqués par les clubs nationaux disputant la Champions League ou l'Europa League, la petite sœur, lors des 5 dernières saisons. Le barème est le suivant : 2 points pour une victoire, 1 pour un match nul, 0 pour la défaite.

Viva Portugal!

Oui, mais voilà, il y a belle lurette que les clubs français n'ont plus brillé sur la scène européenne, à l'exception de performances trop isolées pour contrebalancer cette tendance nette à l'élimination prématurée et - pire - au refus de combattre. La conséquence est arithmétiquement inévitable. Le constat est surtout cruel en Europa League : les entraîneurs des clubs français engagés dans cette compétition n'en ont jamais fait une priorité et ne s'en cachent pas ; ils préfèrent se concentrer sur les joutes nationales. Seulement, cette désertion offre aux championnats moins bien classés et plus ambitieux, l'opportunité de grignoter leur retard et c'est finalement le Portugal, dont les porte-drapeaux affichent un bilan comptable à faire pâlir les dirigeants du football français (Porto, Benfica, Braga ou le Sporting), qui va s'asseoir sur le siège de la France en vue de la saison prochaine, reléguant sur un strapontin assez inconfortable celui qui sera sacré en mai, 3e de notre Ligue 1.

La situation n'est pas encore alarmante, même si, à l'évidence, à multiplier ainsi les étapes pour rentrer dans la cour des grands, on ne se facilite pas la tâche. Il n'y a pas scandale, après tout, à se faire doubler par le football portugais qui, s'il n'est pas plus riche que le nôtre, sait très bien exploiter ses filières sud-américaines. Il faudra veiller cependant à se réveiller, à faire évoluer les mentalités, car la France est sur une pente dangereuse. On entend parfois que le football hexagonal est redevenu ce qu'il était, au début des années 90 ; et si nous commencions par éviter de nous tirer une balle dans le pied ?

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