mercredi 7 décembre 2011

Al-Jazeera, Jazeera, Jazeera

Il fallait bien ce refrain révolutionnaire pour évoquer ce qui, de mon point de vue, sonne comme un coup de tonnerre dans le paysage audiovisuel français. L'information n'a pas pu vous échapper car, aussi platonique que le football puisse être, elle a été relayée par toutes les rédactions dignes de ce nom : Al-Jazeera, la chaîne quatarie, diffusera les rencontres de Ligue des Champions dès 2012, à l'exception négligeable des grandes "affiches" qui appartiennent à un lot qui reste à attribuer et dont TF1 a les droits jusqu'en mai. Exit donc Canal ; qui sait si l'on reverra encore les incomparables "palettes à Doudouce".


L'UEFA a tranché. Elle a attribué les droits télé des trois prochaines saisons de la reine des compétitions à "La Péninsule" - Al Jazira en arabe - chaîne sortie de nulle part dans les années 2000. L'attribution s'est réalisée sans surprise puisque le Qatar avance à découvert, ne cachant plus ses vues sur le marché européen et français. Une chose me chinoise tout de même dans cette main basse sur mes mardis et mes mercredis soirs. Je ne peux me sortir de l'esprit ce sentiment que cette affaire met plus que jamais peut-être en exergue les travers de la libre compétition économique entre opérateurs intéressés par la perspective de diffuser des matchs de Champions League et qui en font leur commerce - ou projettent de le faire ; un libre jeu du marché salué là par notre ministre des sports David Douillet, c'est dire... Quand on sait que Canal a signé un chèque de 30 millions d'euros par an pour empocher le dernier marché et qu'Al-Jazeera a proposé le double, je m'interroge sur le sens de tout, sur la morale, l'égalité des armes ou la concurrence (dé)loyale. Il n'y a pas eu combat, puisque la chaîne du Qatar a de facto éliminé tous ses concurrents en achetant les droits de retransmission bien au-delà du prix du marché et des capacités financières de Canal. Al-Jazeera est arrivée, a voulu, a vaincu. Le marché écrasé n'est autre que le jouet de ses nouveaux propriétaires.

Ne cherchez aucun sentiment patriotique ou "qatarophobe" dans mon billet ; mais le constat personnel que mon époque est décidément bizarre. Pas moins bizarre, en vérité, que la réaction d'Emmanuel Berretta, certainement bien renseigné, qui voit dans l'exclusion de Canal une vraie opportunité pour la chaîne cryptée : elle va pouvoir se replier sur les activités de création et production de fictions qui font sa nouvelle renommée internationale tout en réalisant une précieuse économie de 30 millions d'euros et en conservant les droits sur la Ligue 1. Certes. C'est oublier que si Canal est la chaîne du sport et du cinéma, elle est surtout celle du foot. Sans revoir rapidement à la baisse le prix de son abonnement, le risque est immense de voir le nombre d'abonnés fondre à vue d'oeil comme la neige à la flamme d'une bougie de Noël. 35 € pour un Bordeaux - Marseille au mois de février sans la promesse d'un Manchester United - Bayern, ça devient cher. Conseil d'un futur ex-abonné ?

3 commentaires:

  1. L'avantage, c'est qu'on va faire des économies ! Tu vas pouvoir me faire encore plus de cadeaux !

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  2. J'ai vu Douillet parler de cela hier sur Canal... affligeant !

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  3. Je ne voudrais pas trop intellectualiser la chose, mais cet épisode me fait drôlement réfléchir sur ce qu'est la libre concurrence ! (Dé)formation oblige, sans doute. Mais il est curieux de hurler avec les loups contre les monopoles (c'est-à-dire quand la concurrence est réduite à néant) et de se satisfaire, comme en l'espèce, d'une concurrence qui n'a que le nom !

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